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Pologne : Arrêtez de jouer avec nos vies ! Nous ne serons pas un bouclier humain dans la crise du Corona virus !

Déclaration du Comité national de IP – Syndicat d’Initiative des Travailleurs (OZZ Inicjatywa Pracownicza) en réponse aux mesures d’urgence du gouvernement polonais à la lumière de la crise du Corona virus.

Ogólnopolski Związek Zawodowy Inicjatywa Pracownicza est membre du Réseau syndical international de solidarité et de luttes.

En réponse à la crise provoquée par la pandémie du Corona virus, le gouvernement polonais a adopté un ensemble de mesures d’urgence qu’il appelle le « bouclier anticrise ». Tant le montant des fonds alloués par le « bouclier » aux secours que les remèdes qu’il propose sont soit totalement insuffisants, soit carrément inadaptés. De nombreuses mesures du « bouclier » entraîneront une baisse des salaires, affaibliront les syndicats et rendront les travailleurs encore plus subordonnés à leurs patrons qu’ils nous ne le sont déjà. Nous nous opposons catégoriquement à toute baisse de salaire : les travailleurs ne supporteront pas les coûts d’une nouvelle crise. Nous mettons en lumière ci-dessous les pires idées et négligences du gouvernement. Nous présentons ensuite une liste de 10 revendications qui devraient être satisfaites et mises en œuvre immédiatement.

Les pires idées et omissions du « bouclier anticrise » du gouvernement :

  1. Une grande partie de la population active en Pologne n’a aucune sécurité de l’emploi. Il s’agit d’employés occasionnels, embauchés par des agences de sous-traitance ou de travail temporaire, ou encore d’indépendants. Ce sont ces travailleurs qui souffriront le plus de la crise. Pour l’instant, ils sont menacés de perdre leurs revenus et leurs avantages. En réponse, le « bouclier » du gouvernement prévoit un versement unique de 2 000 Zlotys avant impôts (environ 435 euros avant impôts) aux travailleurs occasionnels dans le besoin. Compte tenu des prévisions selon lesquelles la crise durera encore de nombreux mois, cette aide ne constitue pas un véritable soutien.
  2. En Pologne, 2,5 millions de travailleurs occasionnels sont sous-assurés ou n’ont pas du tout accès à l’assurance maladie. En effet, ils n’ont aucunement droits à des arrêts maladies rémunérés. Ceux qui ont accès aux soins de santé publics de base doivent payer les frais de consultation du spécialiste ainsi que les frais d’hospitalisation. L’épidémie du Corona virus montre que le droit universel d’accès aux soins de santé est dans l’intérêt de tous. Mais le « bouclier » du gouvernement ne prévoit aucun changement significatif en la matière.
  3. Le gouvernement tente d’attirer l’attention du public sur la sauvegarde de l’emploi. Mais cet argument sert à justifier le transfert d’énormes sommes d’argent aux chefs d’entreprise. Avec le plan de sauvetage du « bouclier », les entreprises obtiendront des subventions gouvernementales concernant les salaires pendant les périodes d’arrêt avec la possibilité légale de réduire les salaires de moitié ! Les entreprises deviennent ainsi les véritables bénéficiaires du plan du gouvernement, qui, en fin de compte, nous fait porter le fardeau des coûts, à nous, les travailleurs.
  4. Les modifications que le « bouclier » envisage d’apporter au droit du travail donnent aux employeurs une grande liberté pour réorganiser le travail comme ils le souhaitent (surtout en ce qui concerne le temps de travail ou les périodes d’arrêt économique). Dans un pays où les syndicats et toutes les formes de contrôle des travailleurs ont été systématiquement combattus, cela signifie qu’aucun contrôle social n’est exercé sur l’utilisation des fonds que les entreprises recevront du budget de l’État. En outre, cela signifie que les travailleurs auront du mal à résister aux tentatives de leurs patrons d’imposer des « mesures anticrise » sur le lieu de travail, même si ces mesures ne sont aucunement nécessaires.
  5. Le gouvernement ne fait aucunement mention des allocations de chômage. Lors des différentes périodes de chômage élevé qui ont eu lieu par le passé, les syndicats ont indiqué à plusieurs reprises que les allocations de chômage étaient trop faibles et que la période durant laquelle elles étaient versées était trop courte. Par exemple, en décembre 2019, seuls 16,4 % des chômeurs inscrits avaient
    droit à des allocations d’un montant de seulement 741,87 Zlotys après impôts (environ 163 euros) pour les 3 premiers mois. Nous sommes confrontés à une crise grave. Le gouvernement doit réaliser qu’il y aura une augmentation significative du nombre de chômeurs qui auront besoin de revenus pour survivre.
  6. Une vague massive de licenciements a touché les travailleurs qui n’ont aucune sécurité au niveau de leur d’emploi (les travailleurs occasionnels, les intérimaires, les employés à contrat à durée déterminée et les indépendants). Les licenciements ont touché les travailleurs occasionnels dans des secteurs tels que la restauration, le tourisme, les loisirs et les services publics sous-traités. La crise n’a fait que mettre en évidence la nature profondément antisociale des formes d’emploi temporaire. En attendant, le message du gouvernement à ces travailleurs est le suivant : « vous auriez dû vous assurer ». Comme si cela était réellement possible pour les travailleurs sans aucune sécurité au niveau de leur emploi !
  7. Nous disons « non » à toute modification visant à rendre le travail plus flexible (par exemple en prolongeant le temps de travail de référence). Au cours des trois dernières décennies, la réponse typique du gouvernement à la crise (réelle et présumée) a été de rendre le travail plus flexible. Cette pratique a eu des effets désastreux sur la sécurité de l’emploi. Aujourd’hui, le gouvernement confirme qu’il ne peut agir que dans le cadre du canon de la politique économique néolibérale, qui cherche toujours en fin de compte à affaiblir la position des travailleurs sur le marché du travail.
  8. Le « bouclier » n’aborde pas le problème croissant des faibles pensions de retraite. Il n’offre pas non plus de protection aux travailleurs âgés contre les effets de la crise.
  9. Le « bouclier » accorde peu d’attention à la protection du budget des ménages contre l’augmentation du coût de la vie, comme la hausse des prix des denrées alimentaires et des loyers. De même, le gouvernement ne tient pas compte des effets de la perte de revenus, tels que : la quittance du loyer, la dette bancaire, le montant des factures des services de base comme le gaz, l’électricité et le chauffage, ou la menace d’expulsion ou de saisie.
  10. Le projet du gouvernement intervient à un moment où les procédures de décision démocratiques sont suspendues. En effet, nous n’avons pas notre mot à dire sur ces questions très importantes. Nous craignons que l’aide ne soit principalement destinée au secteur bancaire, le plus grand acteur du monde politique actuel. Déjà, une grande partie de l’aide de 212 milliards de PLN (environ 46 milliards d’euros) va au secteur financier. Lors de la précédente crise économique (2007-2008), ce même secteur bancaire a consommé non pas des milliards, mais littéralement des billions de dollars et d’euros. Dans l’effondrement actuel, le secteur financier ne contribue en rien à sauver l’économie, mais plutôt à l’entraîner vers le fond. Il est scandaleux que la classe dirigeante n’ait pas tiré les conclusions de la crise précédente, et qu’aujourd’hui elle cède à nouveau au chantage de la finance. Le problème se résume au fait que les banques (privées et commerciales) possèdent de fait nos salaires, ce qui nous place face à leur pression et à leur chantage. C’est pourquoi, en concertation avec le gouvernement, la Banque nationale de Pologne a décidé d’augmenter les liquidités des banques en les libérant de l’obligation de constituer des réserves (40 milliards de zlotys).
  11. Les gouvernements néolibéraux successifs (dont le PiS, parti au pouvoir à deux reprises) ont systématiquement ignoré les besoins du système de santé publique, des services sociaux et des autres services de soins aux personnes âgées et dépendantes. Suite à des années de réduction des dépenses publiques, ces secteurs clés ne sont aujourd’hui pas préparés à la bataille qui les attend. Le système de santé polonais s’effondre sous le poids de plusieurs centaines de personnes supplémentaires nécessitant une hospitalisation ! La négligence ainsi que les effets à long terme des politiques d’austérité dans le secteur public pourraient maintenant conduire à un effondrement épidémiologique et économique à grande échelle.
  12. Le « bouclier » n’apporte aucun soutien aux tuteurs et à ceux qui sont en charge de garde (d’enfants, de personnes âgées et de personnes handicapées) et qui doivent aujourd’hui faire face à des difficultés d’accès aux médicaments, aux traitements et à la réadaptation.

Au lieu du « bouclier anticrise » du gouvernement, nous présentons nos revendications :

  1. La fermeture temporaire des grands lieux de travail qui ne sont pas essentiels pendant l’épidémie, et qui constituent une menace pour la santé publique en raison de leur organisation du travail (entrepôts et usines qui ne fournissent ni ne produisent des produits critiques comme les fournitures médicales ou les aliments). Les travailleurs doivent recevoir l’intégralité de leur salaire pendant cette période. De leur côté, les pouvoirs publics devraient s’assurer que les employeurs ne forcent pas les travailleurs à prendre des « vacances obligatoires ».
  2. Un système de prestations sociales qui garantira un revenu à tous ceux qui sont incapables de travailler. Ce système devrait également permettre un accès universel aux soins de santé, quelles que soient les circonstances. La crise actuelle devrait être mise à profit pour réorganiser l’ensemble du système de protection sociale afin que l’accès aux soins de santé devienne un droit fondamental et universel qui ne soit pas lié à la situation de travail. En outre, un système nouvellement organisé devrait garantir un revenu et le droit au logement pour tous.
  3. Le contrôle des travailleurs sur le lieu de travail doit être établi et renforcé. Tout secours doit être dirigé vers les travailleurs directement.
  4. Les allocations chômage doivent être augmentées et versées sur des périodes plus longues. Toutes les personnes en âge de travailler et qui n’ont pas d’emploi doivent avoir le droit de recevoir cette prestation.
  5. Éliminer toutes les formes d’emploi occasionnel. Les contrats à la carte, les contrats à durée déterminée, le travail indépendant, les agences d’intérim et le travail temporaire en général transfèrent les risques liés à la crise (crise économique, environnementale ou sanitaire) sur les épaules des travailleurs. Cela ne fait que rendre l’exploitation plus intense. Cette épidémie prouve que la seule forme d’emploi acceptable devrait être un contrat de travail à durée indéterminée (précédé, au maximum, d’une période probatoire).
  6. Sauvegarder le système de retraite solidaire et relever le taux minimal. L’objectif devrait être un système de pension qui permette aux personnes âgées de couvrir le coût de la vie, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de « travailler à côté parce que la pension est trop faible ».
  7. Un gel des loyers et des remboursements des prêts bancaires. Suspendre les expulsions et assurer à tous le libre accès aux services de base (électricité, gaz, eau courante et chauffage). Fournir une aide immédiate aux dizaines de milliers de personnes qui sont confrontées à la crise des sans-abris.
  8. Nationaliser les secteurs bancaire et financier, ainsi que les industries critiques en période d’épidémie comme la santé et les transports, ou les soumettre à d’autres formes restrictives de contrôle social.
  9. Donner la priorité au financement du système public de soins et de santé dans le budget de l’État.
  10. Mettre en place un programme de soutien financier pour le secteur des soins afin qu’il réponde aux besoins des personnes dépendantes et de leurs aidants.

Les coûts supplémentaires de ces programmes ne peuvent pas être couverts par les salaires des travailleurs. Au cours des 30 dernières années, les employeurs ont saisi plus de la moitié de la richesse générée par l’économie sous forme de profits. Aujourd’hui, lorsque l’argent est nécessaire pour les allocations de chômage ou le système de santé, nous devrions le chercher dans les poches des patrons, des millionnaires, des PDG et des banquiers. Seuls les dividendes versés aux actionnaires l’année dernière par les 13 plus grandes sociétés cotées à la bourse polonaise se sont élevés à 12,3 milliards de Zlotys (2,7 milliards d’euros). C’est dix fois plus que le financement alloué au Fonds de Garantie des Prestations aux Employés, qui garantit les salaires des travailleurs en cas de faillite de l’employeur.

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