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Burkina : la coalition syndicale fait face au coronavirus et au gouvernement
Une coalition rassemblant une cinquantaine de structures syndicales s’est formée et avait déposé un préavis de grève, le 27 février. Depuis, au Burkina comme ailleurs, la pandémie a modifié le contexte. La coalition syndicale a dû s’adapter à la situation, modifer certains de ses appels, réagir à la crise sanitaire, faire face ici aussi aux carences gouvernementales en matière de protection de la santé de la population… Mi-mars, elle annonçait les décisions suivantes : annulation des marches et meetings prévus sur l’ensemble du territoire le lendemain ; maintien de la grève du 16 au 20 mars, mais en demandant aux grévistes de rester à leur domicile ; mise en place d’un service minimum dans secteurs des hydrocarbures et des transports, sous la supervision des syndicats concernés ; non-appel à la grève au CHU Tengandogo à Ouaga, aux postes de contrôle sanitaire frontaliers, dans les communes de Boromo et Siby (pour cause du coronavirus et de rougeole).
Depuis, le gouvernement a refusé toute discussion avec la coalition. Il a orchestré une vaste campagne de dénigrement et menaces envers les syndicats membres de la coordination. Le 24 mars, le chef de l’Etat s’est adressé à la population, en ignorant la lutte menée par des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses à travers le pays ; aucune mesure sociale n’a été annoncée. Au ministère des affaires étrangères, le personnel a été rappelé dans des chancelleries ; au ministère de la communication, on note des exclusions dans les équipes de reportage ; aux ministères des finances, des affaires étrangères, de la communication, des procédures disciplinaires sont entamées ; de même dans les médias publics ; des agents des douanes, réquisitionnés, ont été menacés ; beaucoup de travailleurs et travailleuses ont eu des retraits, illégaux, sur leur salaire, voire pas de salaire du tout ; dans certains secteurs, il y a eu des licenciements de grévistes.
Rien ne justifie ces mesures, si ce n’est la volonté de liquider les organisations combatives dont se sont doté.es les travailleurs et travailleuses.
Le porte-parole de la coordination, Bassolma Bazie, secrétaire général de la CGT-B, l’a affirmé : « En choisissant de répondre à la plateforme et au mouvement de lutte citoyens des organisations syndicales par le silence méprisant et la répression sauvage, le pouvoir envoie au peuple et aux travailleurs le message sans ambiguïté ci-après : Nous, pouvoir MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) et associés, décidons de nous ranger résolument dans le camp des prédateurs de la richesse nationale du Burkina Faso en leur assurant l’impunité, affirmons notre incapacité à garantir aux populations le droit à la vie et la justice comme s’y était engagé le Président du Faso dans son serment d’investiture le 29 Décembre 2015. Mais nous utilisons la puissance publique de l’Etat pour détruire les syndicats qui osent en parler et le dénoncer. » Il s’agit là de la réunion d’ingrédients d’une fascisation du pouvoir. Nos organisations syndicales interpellent les forces sociales et politiques qui doivent se prononcer sur les graves atteintes aux valeurs démocratiques que sont notamment le droit à la sécurité santé, la liberté syndicale, la liberté d’expression et de manifestation, même dans un contexte d’épidémie. »
Concernant la gestion de la pandémie, la coordination constate que :
- de nombreux malades dans la détresse peinent à obtenir une prise en charge, contrairement aux annonces et aux assurances du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires ;
- certaines formations sanitaires sont démunies et les agents de santé, sans protection digne de ce nom, se démènent pour venir en aide aux populations avec un sentiment d’impuissance ;
- la fermeture des marchés et « yaars », la mise en quarantaine de certaines villes plongeant ainsi une frange importante de la population dans le désarroi et dans l’incertitude totale du lendemain ;
- la décision de mise en quarantaine de certaines localités dont Ouagadougou n’a pas pris en compte des nombreux cas particuliers, ce qui conduit plusieurs personnes à passer par des voies contournées pour accéder à leurs localités de résidence ;
- la suspension du transport interurbain n’a pas associé les acteurs et par conséquent n’a pas prévu de mesures d’accompagnement ;
- des dérives ont cours dans l’application du couvre-feu, encouragées par le gouvernement à travers son porte-parole, en dépit du recadrage public du procureur.
Notre coalition exige du gouvernement des mesures d’accompagnement en faveur des populations en détresse ainsi que des mesures de protection des travailleurs du public comme du privé.
Le gouvernement a choisi de bafouer la loi et les différents textes qui encadrent la grève et l’administration publique, avec le secret espoir d’en finir avec nos organisations. Ce rêve, de nombreux pouvoirs l’ont nourri mais ils n’ont jamais réussi à briser les organisations authentiques des travailleurs. Notre conviction, c’est que les travailleurs ont l’expérience et les ressources nécessaires, non seulement pour résister à la répression, mais aussi pour contraindre le gouvernement à prendre en compte les préoccupations qui lui sont soumises. Les différentes mesures répressives engagées par le gouvernement ne doivent pas nous détourner de notre plate-forme revendicative.
C’est pourquoi nous appelons les travailleurs à la sérénité malgré la situation dramatique que connaît le pays, situation dans laquelle les hommes du pouvoir assument une grande part de responsabilité, à exécuter les consignes et les mots d’ordre, à rester à l’écoute de leurs responsables. Nos organisations mettront en œuvre toutes les actions nécessaires pour obtenir l’annulation des mesures répressives injustes déclenchées par le pouvoir MPP et ses alliés mais également pour faire aboutir la plateforme légitime contenue dans le préavis de grève déposé le 27 février 2020. »
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